Un budget qui souffle le chaud et le froid

Le budget 2001-2002-2003 du 1er novembre dernier nous aura donné la preuve de la solidité du réseau que forme le Collectif. Malgré le court délais de préparation, six écoutes collectives se sont tenues le jour même à Longueuil, Rouyn, Montréal, Québec, Trois-Rivières et Sherbrooke et en tout quatorze représentantEs du Collectif ont participé au huis-clos, dont deux personnes du Saguenay-Lac St-Jean ! Plus une autre écoute en différé lundi dernier.

Voici quelques faits saillants.

Rien de prévu pour la lutte à la pauvreté

La ministre à la Lutte à la pauvreté et l’exclusion tourne-t-elle pour rien? Aucune réserve budgétaire pour la lutte à la pauvreté n’a été annoncée dans ce budget de 18 mois, donc de fin de mandat. Pourtant, l’hypothétique stratégie globale de lutte à la pauvreté du gouvernement doit entrer en vigueur en 2002. Où prendra-t-on l’argent? Voici une omission qui en dit long sur le manque de sérieux du “processus de validation” en cours. Si le gouvernement voulait nous convaincre qu’il cherche à gagner du temps en nous faisant perdre le nôtre, il n’agirait pas autrement…

Les bonnes nouvelles

Mais revenons au budget Marois, qui, à travers de nombreuses omissions, contenait quand même quelques bonnes nouvelles.

La meilleure nouvelle du budget pour les personnes les plus pauvres est sans contredit l’investissement 362 M $ dans le logement social, une mesure qui va dans le sens de nos demandes urgentes, qui améliore la sécurité au bas de l’échelle et crée des emplois.

L’indexation annoncée de 2,7% des prestations de la sécurité du revenu est bien sûr la bienvenue, mais elle devrait être automatique afin d’assurer l’appauvrissement zéro de touTEs les prestataires.

En choississant de stimuler la consommation par un bonus de 100$ aux personnes recevant le crédit d’impôt pour remboursement de TVQ plutôt que par une baisse de la taxe de vente, qui aurait avantagé les plus hauts revenus (la taxe étant remboursée en bas de l’échelle), la ministre Marois se rend à l’argument du Collectif, à l’effet qu’un dollar vital est un dollar local. Et elle reconnaît dans son discours que les plus pauvres n’ont pas profité des baisses d’impôt. Mais cette mesure reste un cadeau de Noël dont l’effet sur les conditions de vie des personne sera très passager. Ce n’est pas une mesure de lutte à la pauvreté.

Enfin, il faut signaler que pour une première fois en cinq budgets, le ministère des Finances a choisi de montrer l’impact des mesures sur les revenus des personnes (pleine indexation du régime d’imposition, indexation des prestations d’aide sociale, bonus de 100$) en tenant compte de tous les niveaux de revenu, y compris les personnes qui ont 0$ en revenu d’emploi. Et dans ce cas précis, et de façon ponctuelle, on a choisi de masser l’impact sur les plus faibles revenus, ce qui permet de dire que pour la première fois en cinq ans, strictement au plan de l’impact sur le revenu des personnes, et de façon pour le moment non récurrente, le budget annoncé n’augmente pas les écarts entre les plus riches et les plus pauvres. Si cette méthode avait été utilisée dans les derniers budgets il aurait été beaucoup plus difficile de légitimer les baisses d’impôts. Espérons que c’est le début de bonnes habitudes.

Un budget qui ne répare pas les dégâts antérieurs

Si la montée en flèche des inégalités se trouve freinée dans ce budget, celui-ci ne répare pas pour autant les pots cassés des dernières années. Les baisses d’impôts déjà annoncées continueront de s’appliquer et d’accroître les inégalités de revenus, en plus d’enlever au gouvernement ses marges de manœuvres déjà restreintes par le ralentissement de l’économie. En marge des travaux d’infrastructures devancés, des mesures de soutien à l’emploi et de certaines mesures favorables au développement de l’économie solidaire, le budget poursuit par ailleurs l’adaptation de l’économie au néolibéralisme avec de nouvelles extensions (certaines des mesures allant jusqu’en 2013!) et admissions aux exemptions fiscales aux entreprises et avec la diminution de moitié de la taxe sur le capital.

Des vies encore en attente de réparation

Quel contraste avec tous les actes manqués du côté des déficits humains réparables. Dans ce budget de fin de mandat, zéro pas vers un barème plancher : pas de levée de pénalités discriminatoires, pas d’amélioration des prestations vers la couverture des besoins essentiels. Même pas l’abolition de la coupure pour partage de logement (54$/mois), une mesure de 51 M $, à laquelle le gouvernement s’est engagé lors du Sommet de la Jeunesse pour d’ici la fin de son mandat. Zéro amélioration des allocations familiale. Rien non plus vers la gratuité des médicaments pour les prestataires de la sécurité du revenu et les personnes qui recoivent le supplément de revenu garanti, une mesure de 60 M $ largement manoeuvrable dans ce budget. Ceci, malgré une résolution en ce sens adoptée le 18 octobre à l’Assemblée nationale par le parti au pouvoir. Les personnes les plus pauvres auront encore trop souvent à faire le choix entre manger ou se soigner, avec les effets connus sur leur bien-être com-me sur les coûts de santé.

Il faudra voir les effets à long terme de ce budget qui a battu le chaud et le froid en même temps. Tiède.