Approche de la lutte à la pauvreté et ressources allouées

Le Collectif presse le gouvernement de remplir les conditions convenues

Québec, le 10 avril 2001. Après analyse du récent budget Marois, le Collectif pour une loi sur l'élimination de la pauvreté a aujourd'hui fait savoir au gouvernement qu'il continue de souhaiter un dialogue structuré sur la pertinence d'encadrer une stratégie globale de lutte contre la pauvreté par une loi sur la base de son travail, mais que les conditions sur lesquelles les deux parties s'étaient entendues en préalable à un tel dialogue ne se trouvent pas remplies par ce budget. Il presse donc le gouvernement de remplir incessamment ces conditions et de montrer rapidement sa volonté politique de placer sa nouvelle priorité de lutte contre la pauvreté sur la bonne case départ en prenant sans attendre des décisions qui auront un impact rapide sur ce qui est le plus urgent en ce moment pour les personnes en situation de pauvreté : l'amélioration de la couverture de leurs besoins essentiels.

À ce sujet, il informe le premier ministre et ses collègues qu'il fera rapport à son réseau lors d'une rencontre élargie qu'il tiendra au début de juin. À ce moment, les déléguéEs prendront acte de l'évolution de la situation pour décider par quels moyens poursuivre l'histoire gouvernementale, parlementaire et citoyenne de leur proposition de loi.

Des conditions pour un dialogue constructif

En effet lors de leur rencontre du 27 mars dernier avec le Collectif, Bernard Landry et ses collègues, Jean Rochon et Nicole Léger, se sont dits ouverts à examiner la pertinence d'une loi cadre sur l'élimination de la pauvreté, allant jusqu'à proposer au Collectif un dialogue structuré sur la question, un changement de ton comparativement à l'attitude du précédent premier ministre. Compte tenu des rebuffades importantes des derniers mois, le Collectif a tenu à s'assurer alors du sérieux de l'offre en posant quatre conditions, immédiatement acceptées par ses interlocuteurs, soit : 1. que le gouvernement soit prêt à envisager une stratégie globale couvrant l'ensemble de l'action des ministères, 2. qu'il soit prêt à y mettre les ressources nécessaires, 3. qu'il soit possible d'en voir les signes dans le budget, 4. que l'action gouvernementale face à des problèmes urgents ne soit pas paralysée sous prétexte d'un dialogue en cours.

Un budget reçu comme une gifle

Le Collectif a vite déchanté en prenant connaissance deux jours plus tard des mesures annoncées dans le budget Marois. Dans une lettre publique adressée au premier ministre Bernard Landry, à la ministre des Finances Pauline Marois et à leurs collègues chargés du dossier de la pauvreté, Jean Rochon et Nicole Léger, le Collectif explique que ce budget où les paroles ont amplement dépassé les gestes a été reçu comme une gifle par son réseau. Il se dit sidéré de constater, chiffres à l'appui, qu'en réalité le gouvernement n'investit pas plus mais moins de ressources que l'année précédente.

Par exemple, les mesures d'aide directe au revenu sont cette année de 215,7 M$ sur trois ans (indexation des prestations, 102 M$, plus la bonification de l'aide financière aux étudiants, 113,7 M$, qui est considérée même si le gouvernement ne l'a pas fait dans son calcul) comparativement à 246 M$ sur trois ans l'an dernier, en suite du Sommet de la jeunesse, pour une indexation des prestations et l'élimination partielle de la coupure pour partage de logement, une mesure que le gouvernement ne complète même pas dans le budget de cette année.
De même l'investissement de 86 M$ dans le programme Action emploi, qui comporte à l'évidence plus d'effets pervers et d'accrocs à l'équité horizontale entre travailleurs que d'avantages, est deux fois moindre que le 160 M$ investi l'an dernier dans la reconduction du Fonds de lutte contre la pauvreté.
"Et à nouveau, écrit le Collectif, l'effet net de ce budget est d'augmenter les écarts entre les plus riches et les plus pauvres. Aucune de nos demandes prébudgétaires ne trouve réponse, sauf une, partiellement, à travers l'indexation des prestations d'aide sociale. Aucun signe d'une approche globale, voire d'évolution ou d'élargissement de l'approche."

L'insuffisance d'une approche axée uniquement sur le développement économique et l'emploi est dénoncée par le Collectif parce qu'elle ne règle pas le problème de la concentration de la richesse, de la pauvreté au travail ou de l'insuffisance de la couverture des besoins essentiels dans le système de sécurité du revenu. "Ce qui nous fait le plus mal, fait-il savoir à ses interlocuteurs, c'est de nous rendre compte que vous n'avez pas déboursé le moindre sou pour améliorer la couverture des besoins essentiels des plus pauvres dans le système de sécurité du revenu, alors que vous aurez retourné en 2003-2004 l'équivalent de 3,8 milliards $ de revenus récurrents en baisses d'impôt cumulées au 60% de la population en mesure d'en payer." C'est six fois et demi la somme récurrente réclamée par le Collectif pour instaurer un barème plancher à l'aide sociale, ou pour le dire autrement, l'équivalent permanent d'un système complet d'aide sociale plus 1 milliard $.

"On aura beau affirmer qu'il vaut mieux montrer à pêcher que de donner du poisson, et encore faut-il avoir accès au lac et être en état de s'y rendre, écrit Vivian Labrie au nom du Collectif, comment justifier à ce compte de donner plus de poissons encore à ceux qui pêchent déjà?"

Répondant aux propos de la ministre des Finances, qui a déclaré récemment au Soleil qu'il serait titanesque de s'attaquer à la couverture des besoins essentiels et qu'il faudrait y voir éventuellement, peut-être en fin de mandat ou dans un prochain, elle lui demande comment, après avoir été ministre de la Santé et des services sociaux, elle peut expliquer que dans un budget où la marge de manœuvre dépassait les 5 milliards $, il n'y avait même pas le 30 M$ nécessaire pour rétablir la gratuité des médicaments pour les prestataires de l'aide sociale aptes au travail et pour les personnes âgées recevant le supplément de revenu garanti? "Comment pouvez-vous expliquer qu'on continue d'imposer, sous prétexte de son aptitude au travail, à une personne qui reçoit 489$ de payer une franchise dont on dispense une personne à qui on accorde 734$ en sécurité du revenu?"

Un débat public qui pourrait prendre la forme d'une commission parlementaire

"Nous pensons aussi, termine le Collectif, et les réactions au récent budget nous le confirment, que l'heure d'un débat public est venue sur la pertinence d'une stratégie globale visant l'élimination de la pauvreté qui serait encadrée par une loi fondée sur les droits, tel que nous le proposons. Une commission parlementaire non partisane faisant place parmi ses membres aux personnes en situation de pauvreté et à leurs associations serait bien positionnée pour mener ce débat. Encore faudrait-il que vous amorciez le virage au plan de la volonté politique. Nous n'en attendons pas moins de vous. Et nous l'attendons."

- 30 -


Créé le10 avril 2001
Dernière modification19 août 2015

File


Téléchargement