17 mars 2018 Lettre ouverte

Travailler à temps plein et rester pauvre? Non merci!

Le Journal de Montréal a publié cette semaine un long dossier sur le défi que représente le faire de devoir « se nourrir au salaire minimum ». Le point de départ de la série d’articles était l’expérience vécue par une famille qui a dû s’alimenter pendant un mois avec un budget de 210 $ par semaine. Les réactions ont été nombreuses, pour le meilleur et pour le pire.

(Lettre ouverte de Virginie Larivière, porte-parole du Collectif pour un Québec sans pauvreté, publiée dans Le Journal de Montréal)

Alors que le débat aurait pu porter sur l’insuffisance des revenus des personnes travaillant au salaire minimum, il a plutôt porté en bonne partie sur la capacité d’organisation, les compétences à faire de « bons » choix ou les habiletés culinaires des personnes.

Une variété de cas de figure

Nous croyons important de rappeler que les paramètres de l’expérience vécue par la famille sont ceux d’un cas idéalisé, bien différent de la réalité de la plupart des personnes qui gagnent le salaire minimum. On parle ici du cas hypothétique d’une famille de quatre dont les deux parents travaillent à temps plein et qui reçoivent des allocations familiales importantes parce qu’ils ont deux enfants.

La réalité, c’est que la moitié des personnes rémunérées au salaire minimum gagnent l’unique revenu du ménage. Cela signifie que bon nombre d’entre elles vivent seules ou sont des chefFEs de famille monoparentale.

La réalité, c’est que la grande majorité des personnes qui travaillent au salaire minimum ont un emploi à temps partiel. Les revenus de ces personnes sont loin de leur permettre de dépenser environ 50 $ par semaine par personne à l’épicerie.

La réalité, c’est aussi que la vie est imprévisible ! Les bottes trouées qu’il faut bien remplacer, la fête du petit dernier la semaine prochaine, le remboursement du nouveau frigo acheté à crédit parce que les moyens manquaient quand l’ancien a lâché, la hausse des tarifs d’Hydro-Québec et de la passe d’autobus, etc. La vie est bien inventive en matière d’imprévus. Ceux-ci amènent souvent leur lot de dépenses.

L’alimentation : un besoin parmi d’autres

D’après nous, le débat aurait été plus constructif s’il avait porté sur l’insuffisance du salaire minimum non seulement pour arriver à s’alimenter, mais pour permettre aux gens de couvrir l’ensemble de leurs besoins et de sortir de la pauvreté.

Il faut rappeler que l’expérience ne portait que sur un aspect des dépenses quotidiennes (l’alimentation), laissant volontairement de côté le coût du loyer, les factures de téléphone et d’électricité, les frais de transport, etc. Sur l’ensemble des dépenses, la seule qui peut être compressée, c’est celle qui concerne l’alimentation. C’est souvent cette dépense qui écope vu qu’il est impossible, par exemple, de ne payer que la moitié de son loyer.

Les personnes en situation de pauvreté ont donc rarement le luxe de choisir le contenu de leur assiette. Elles organisent plutôt leurs menus en fonction des rabais à l’épicerie et du panier offert par la banque alimentaire, elles font des miracles avec ce qui traîne dans leur garde-manger, elles fréquentent les cuisines collectives.

Ainsi, selon nous, la question n’est pas de savoir s’il est possible de nourrir quatre personnes avec 210 $ par semaine. Oui, c’est possible, et plusieurs personnes en ont d’ailleurs fait la démonstration dans les médias sociaux cette semaine.

Mériter plus que la couverture des besoins de base

Mais peut-on aller jusqu’à dire que ce montant de 210 $ est trop élevé alors qu’il s’agit du coût minimum que le Dispensaire diététique de Montréal juge nécessaire pour satisfaire les besoins nutritionnels hebdomadaires de deux adultes et deux enfants ?

Nous croyons que tout le monde mérite plus que de simplement couvrir ses besoins de base. Tout le monde devrait avoir la possibilité de faire des choix, de s’offrir une gâterie à l’occasion ou de faire face à des imprévus sans s’endetter.

Au Québec, en 2018, le salaire minimum devrait minimalement nous permettre de sortir de la pauvreté. C’est pour cela que le gouvernement devrait cesser de s’opposer à l’augmentation du salaire minimum à 15 $ l’heure.

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