Par Pierre Issalys, Vivian Labrie, Évelyne Pedneault

Pourquoi, pour lutter contre la pauvreté, proposer l’adoption d’une loi?

Dans la pétition déposée le 22 novembre 2000 à l’Assemblée nationale du Québec, plus de 200 000 signataires demandent une loi sur l’élimination de la pauvreté. L’objectif de lutter contre la pauvreté s’entend aisément. On pourra aussi assez facilement convenir de la pertinence de consolider un ensemble de mesures dans une approche globale. Mais pourquoi proposer une loi se demandera-t-on? Et pourquoi une loi sur la base de la proposition de loi mise de l’avant par le Collectif?

Outre le fait que ce moyen converge avec l’évolution de la pensée internationale sur la question2, on peut à ce sujet évoquer trois types de raisons qui correspondent bien à la réalité québécoise et qui se trouvent bien prises en compte dans la proposition de loi du Collectif : des raisons symboliques, des raisons stratégiques et des raisons techniques.

Des raisons symboliques

Bien que les mesures découlant de l’adoption d’une telle loi ne seraient pas uniquement d’ordre législatif, le fait de les introduire par une loi vient confirmer l’importance accordée à l’objectif en raison de la puissance symbolique de la loi comme “message du peuple à lui-même”. Le fait que cette demande vienne d’un large mouvement social montre que la valeur opératoire du travail de l’institution législative est prise au sérieux tout en exprimant à cette même institution une exigence de crédibilité. Dans un État démocratique, la loi, adoptée après débat par un Parlement élu, est censée exprimer, à l’adresse de l’ensemble des citoyenNEs, leur volonté collective de diriger des conduites au moyen de règles obligatoires. La loi devient alors le symbole d’une détermination à s’engager dans des changements qui prendront réellement effet. Elle devient une parole efficace qui conduit de l’intention aux gestes. On prend acte d’une volonté exprimée de construire une société sans pauvreté et on la traduit dans des moyens qui deviendront incontournables. Après des années de mesures appauvrissantes, humiliantes et décourageantes pour les personnes qui vivent la pauvreté, une loi énonçant clairement sa visée d’élimination de la pauvreté et les moyens pris pour y arriver aurait une certaine chance de rétablir une confiance nécessaire entre les personnes et les institutions pour que des mesures puissent être comprises et prises au sérieux.

a. L’effet de justification

Adopter une loi sur l’élimination de la pauvreté viendrait symboliser la volonté des citoyenNEs de se soumettre collectivement à des règles dont la justification éthique et politique aura fait l’objet d’une démonstration. On saura pourquoi et pour qui on le fait. On pourra l’évoquer et le réévoquer.

Expression de choix éthico-politiques collectifs

C’est ce qui est affirmé notamment dans le préambule de la proposition de loi du Collectif. On y explique les valeurs et les courants de pensée, d’action et de conviction qui ont conduit le Collectif et les milliers de personnes qui ont participé à l’élaboration de cette proposition à préciser les “idéaux moraux” qu’ils et elles veulent traduire en “obligation légales spécifiques”, ceci pour engager la société québécoise dans une nouvelle étape de son histoire, une étape où on fera davantage attention à rendre effective pour toutes et tous l’égalité en dignité et en droits pourtant reconnue, mais empêchée par la pauvreté. Cette évolution souhaitable serait difficile à entreprendre isolément et sans la légitimation que procure une loi. Elle vient ici s’exprimer dans les principes et les objectifs de la loi, lesquels en fournissent des repères qui impliqueront dans certains cas de véritables retournements dans les façons de faire. Si “on ne peut pas être contre la vertu”, la loi en indiquerait de nouveaux degrés incontournables, jugés non atteints mais atteignables par un effort à la portée de la société. C’est le sens des trois principes énoncés dans la proposition de loi : faire de la lutte à la pauvreté une priorité, faire primer l’amélioration du revenu du cinquième le plus pauvre de la population sur l’amélioration du revenu du cinquième le plus riche, apprendre à associer les personnes en situation de pauvreté et leurs associations aux processus qui les concernent.

Validation de ces choix par la délibération publique

Cette “progression éthique”, pour reprendre les termes de Boutros Boutros-Gali, suppose un élargissement des cadres de référence, un saut qualitatif autrement dit. Il sera donc essentiel que de solides débats aient lieu pour la valider et pour s’assurer que la prise de conscience est suffisamment partagée pour que l’adhésion aux principes de la loi en permettent une application relativement sereine sinon unanime. À cet sujet le Collectif a effectué un travail prélégislatif considérable et réuni de nombreux appuis dans tous les secteurs de la société. Mais il faudra poursuivre encore plus loin ce travail de validation. Par les débats formels et informels qu’elle suscitera inévitablement de façon publique, concentrée et décisionnelle, une loi ne pourra que favoriser dans son imminence même, puis dans son application, l’évolution des mentalités en amenant la société à réfléchir à son objet et à se positionner à son sujet. Par exemple, les articles 24, par. 5°, 35, 36, 39, 42 et 64 de la proposition du Collectif, tendraient à remettre périodiquement en lumière dans l’espace public les justifications politiques et éthiques de la loi et à faire le point sur son effectivité et son efficacité.

b. L’effet d’inclusion

“Je suis une feuille à côté de l’arbre. Après la loi, je serai dans l’arbre.” Cette phrase rédigée lors d’une animation au printemps 1999 par Lucien Paulhus, décédé depuis dans la plus grande pauvreté, exprime très précisément l’intérêt de l’effet d’inclusion obtenu par l’introduction d’une loi, en particulier dans le cas de la pauvreté qui est associée à une pénible expérience de marginalisation sociale.

Inclusion de l’ensemble de la collectivité

Les personnes pauvres ou non pauvres qui ont participé au processus d’élaboration de la proposition de loi du Collectif ont beaucoup fait état de l’impact positif pour elles de leur participation à une délibération citoyenne qui a fait appel à leur expérience, à leur expertise, à leur intelligence, et où elles se sont senties partie prenante, écoutées et influentes. La proposition de loi du Collectif répercute cette préoccupation dans sa propre formulation, notamment en prévoyant la participation des personnes en situation de pauvreté à toutes les étapes du processus d’application de la loi (articles 5, par. 3°, 7, 9, 10, 39, 49 1er alinéa, par. 1° et 64), en faisant appel à l’action citoyenne et en introduisant en annexe la Déclaration sur le droit et la responsabilité des individus, groupes et organes de la société de promouvoir et protéger les droits de l’homme et les libertés fondamentales universellement reconnus (Assemblée générale des Nations Unies, 9 décembre 1998, Résolution 53/144), qui légitime une action citoyenne durable sur la question. Une loi formulée sur la base de cette proposition contribuerait à son tour à faire évoluer la société vers la co-responsabilité de toutes et tous nécessaire à une solidarité sociale digne de ce nom. On pourrait aussi évoquer l’effet d’inclusion et d’adhésion que procure le sentiment que l’institution commune travaille dans un esprit de justice au bien commun et qu’elle ne sert pas à favoriser les intérêts de quelques-uns aux dépens des autres ou en sacrifiant une minorité. C’est l’effet recherché notamment en visant la cessation des pratiques discriminatoires génératrices d’inégalités et de plus grande pauvreté, qui par définition séparent, excluent, désavantagent.

Inclusion de l’ensemble de l’appareil d’État

Par ailleurs, l’élimination de la pauvreté ne peut relever de la seule responsabilité d’un ministère de la Solidarité sociale, voire des ministères et organes dits “sociaux” du gouvernement. Ceux et celles qui ont cherché à agir efficacement l’ont assez vu : la pauvreté est un phénomène complexe qui implique des effets de système, incluant les actions des non pauvres, et qui doit être abordé globalement et à plusieurs niveaux. Sa réduction suppose l’action concertée de l’ensemble de l’appareil d’État, incluant les ministères économiques, en particulier et peut-être surtout un ministère des Finances qui est déterminant sur la question de la définition, de la création, du partage et de la redistribution de la richesse. Une loi cadre dont les principes et les objectifs s’appliqueraient à l’ensemble de l’action gouvernementale et dont les mécanismes engageraient plusieurs responsabilités dans l’appareil d’État fournirait de bonnes garanties de maximiser les effets des mesures envisagées et d’obliger à résoudre les contradictions internes qui pourraient conduire autrement à ce qu’elles s’annulent les unes les autres. Elle fournirait aussi un cadre légitimé par la volonté collective pour permettre à l’État de s’adresser de façon proactive à d’autres États dans la même perspective et dépasser ainsi par la proposition l’impasse isolation/imitation dans les relations extérieures.

c. L’effet de mobilisation/construction

On pourrait expliquer cet effet par son absence : il faut une loi parce que sans loi, on ne le fera pas. Il faut une loi parce que ce qu’elle vise n’existe pas encore et ne pourra exister sans des moyens contraignants pour l’ensemble de la société. Il faut une loi parce que sans un certain nombre de règles communes, la bonne volonté des uns se heurtera aux résistances des autres, ne serait-ce qu’en raison des incidences économiques d’une économie de marché qui suppose de telles règles. Ne serait-ce que pour la détermination du salaire minimum, des droits et obligations des employés, des employeurs et des contribuables, des seuils considérés pour la sécurité du revenu ou la fiscalité des entreprises ou des particuliers. La lutte à la pauvreté ne peut se limiter à l’action de quelques-uns sans être constamment annulée par la non action des autres : elle suppose l’action concertée de toutes et tous. Si on peut douter de l’efficacité d’une loi à faire avancer une société en direction de l’élimination de la pauvreté, comment y songer sérieusement sans une loi ?

Appel à l’action créatrice de la société sur elle-même

Par contre, si on pense que cet objectif est nécessaire et rendu possible par une certaine évolution des mentalités, ce qui est assez signalé par la mobilisation constante des dernières années autour de la question, alors mieux vaut se donner un cadre assez contraignant pour favoriser l’évolution collective supposée par ce passage à l’acte. Ceci dit, dans sa facture, la proposition de loi du Collectif n’enferme pas la société dans un carcan. Elle fait plutôt appel à l’action créatrice de la société sur elle-même et la rend possible par son approche évolutive et évaluative.

Conditionnement de l’action gouvernementale

D’autre part, l’enjeu n’est pas tellement entre une loi et son absence, mais à savoir si les lois existantes suffisent pour éliminer la pauvreté en tant qu’obstacle à la réalisation effective des droits reconnus. La réponse est non. La vie des personnes en situation de pauvreté est contrainte par un grand nombre de lois qui leur compliquent beaucoup l’existence. Par exemple, il faut une virtuosité et une vertu à toute épreuve pour survivre moralement et économiquement à la loi qui fixe l’aide de dernier recours et aux traitements stigmatisants qui en découlent. L’enjeu réside plutôt dans le choix d’une action législative créant des conditions favorables à l’amélioration substantielle du contexte de vie de ces personnes et à la transformation des facteurs systémiques générateurs de pauvreté y compris l’amélioration des lois et autres mesures qui y contribuent. Ce qui suppose un conditionnement en profondeur de l’action gouvernementale qui pourrait difficilement être obtenu autrement que par une loi cadre.

Des raisons stratégiques (temps et complexité)

«Il faut rêver logique» a affirmé Yvette Muise, une femme vivant la pauvreté, au début du processus qui a conduit à la présente proposition de loi. De bonnes raisons stratégiques ont motivé la facture de la proposition du Collectif. À l’analyse des résultats de la consultation menée, il est apparu que pour être efficace dans le sens de son objectif, une loi visant l’élimination de la pauvreté aurait avantage à regrouper les atouts d’une loi programme et d’une loi cadre. Reprenant ces deux caractéristiques, la proposition du Collectif organise la lutte contre la pauvreté. Elle l’institue. Elle la prévoit sur une certaine durée, l’oriente et la structure.

a. L’effet de durée (loi programme)

Tout en étant urgente pour les personnes qui la vivent, l’élimination de la pauvreté ne peut s’envisager que dans une perspective continue et permanente. La première Décennie des Nations Unies pour l’élimination a suggéré un horizon de dix ans qui a paru raisonnable pour une action efficace de transformation de la société qui pourrait ensuite prendre un caractère permanent.

Projection de l’action en fonction d’objectifs à moyen et long terme

Selon des méthodes connues de planification stratégique déjà utilisées dans d’autres domaines d’action gouvernementale, notamment dans le domaine de la santé publique, l’action a ensuite été projetée sur quatre étapes en fonction d’objectifs à moyen et long terme : des mesures immédiates ayant un caractère d’urgence et pouvant être mises en place rapidement pour permettre “que ça paraisse” sans trop attendre, un premier plan d’action après un an, un second plan d’action après cinq ans, un plan cadre d’action permanente.

Formation d’un engagement durable à l’action

Compte tenu que l’élimination de la pauvreté répond plus à l’évolution éthique de la société qu’à l’évolution des cadres de référence des gouvernements et qu’il faut du temps et une action continue pour produire des résultats tangibles en ce domaine, le fait d’opérationnaliser cet objet dans une loi ne peut que favoriser par ailleurs la formation d’un engagement durable des gouvernements successifs à l’action nécessaire. Il y a là un net avantage sur d’autres types de mesures ou stratégies qui risquent de ne durer que le temps d’un gouvernement ou d’un ministre. L’Assemblée nationale ne peut se contraindre elle-même, mais pour changer une loi elle doit adopter une autre loi et conduire les débats et travaux préalables, ce qui est susceptible de protéger le caractère de permanence de l’engagement qui serait pris ici.

b. L’effet de globalité (loi cadre)

On l’a assez dit, la pauvreté, phénomène complexe, suppose une action globale. Une loi cadre a l’avantage de formuler cette globalité.

Reprogrammation de l’ensemble de l’action en fonction d’une priorité nouvelle

Quand on examine les revenus et les conditions de vie du cinquième le plus pauvre de la population québécoise, force est de considérer que ce ne sont pas là des conditions désirables ni même acceptables compte tenu du niveau de vie général et des moyens dont dispose la société. Agir pour intégrer ce cinquième de la population et donner effet à ses droits reconnus est de toute évidence une priorité nouvelle qui suppose la reprogrammation de l’ensemble de l’action gouvernementale. C’est ce que permet une loi cadre : sans régler à la pièce et d’une seul coup toutes les dispositions modificatives qui seront nécessaires, elle donne les grandes indications qui permettront de baliser à mesure cette reprogrammation. Elle fournit en quelque sorte l’itinéraire général. Et compte tenu de la difficulté de l’entreprise, elle prévoit un mécanisme de contre-contrôle, en l’occurrence le Conseil pour l’élimination de la pauvreté, qui aura pour mandat d’exercer la vigilance nécessaire pour que cette loi soit appliquée dans le sens de son objectif.

Intégration des formes et des objets d’action dans un cadre cohérent et finalisé (rôle des plans)

De même les différents plans d’action intègrent dans un cadre cohérent et finalisé les différentes formes et les différents objets d’action prévus sans avoir à les détailler tous d’un seul coup et prématurément. L’ensemble peut ainsi être mis en perspective, discuté et évalué à son mérite en fonction de son objectif. La proposition formant un tout cohérent, elle peut être appréhendée de façon structurée, ce qui ne peut que faciliter le débat démocratique : on comprendra d’où on vient et où on va sans se perdre au point de départ dans une foule de détails qui prendront leur place à mesure, en temps et lieu.

Des raisons techniques

Modifier l’action gouvernementale doit se faire dans les formes. Il y a aussi des raisons techniques qui imposent de recourir à une loi pour encadrer une stratégie globale d’élimination de la pauvreté.

a. L’effet sur l’appareil institutionnel

Une volonté sérieuse d’éliminer la pauvreté aura nécessairement un effet sur l’appareil institutionnel.

Attribution de tâches à des organes existants

Dans la proposition du Collectif, par exemple, le Premier ministre, le ministre des Finances, le président du Conseil du trésor, le Vérificateur général, se voient confier de nouvelles tâches qui doivent être formulées et confirmées. Un programme d’action gouvernementale est mis en place. Les décisions du gouvernement doivent être examinées en fonction de leur effet sur la pauvreté, les inégalités, les écarts. La Commission des droits et libertés de la personne et des droits de la jeunesse peut agir sur de nouveaux objets. Ces nouvelles tâches et fonctions doivent être stipulées. La loi en fournit le véhicule.

Institution d’un organe nouveau

De même est institué le Conseil pour l’élimination de la pauvreté. Il faut légiférer pour créer cet organe nouveau nécessaire à l’efficacité de la loi.

b. L’effet sur le droit matériel

Enfin une stratégie visant l’élimination de la pauvreté aura nécessairement un effet sur un ensemble de dispositions juridiques qu’il faudra de toute façon stipuler par la voie législative.

Modification de lois existantes

Elle conduira à la modification immédiate ou subséquentes de lois existantes. Les mesures immédiates prévues dans la proposition du Collectif introduisent par exemple des dispositions modificatives à la Loi sur l’assurance-médicaments, au Code du travail, à la Loi sur les décrets de conventions collectives, à la Loi sur les normes du travail, à la Loi sur le soutien du revenu et favorisant l’emploi et la solidarité sociale, à la Loi sur le vérificateur général.

Création de droits et d’obligations

De même, l’objectif de faire en sorte que la pauvreté soit éliminée en tant qu’obstacle à la réalisation effective des droits reconnus, un aspect saillant de l’expertise internationale qui émerge en matière de stratégies nationales de lutte à la pauvreté et qui devra de toute évidence apparaître dans toute stratégie québécoise sur la question, suppose de préciser ces droits et de créer les obligations correspondantes, ce qui nécessite une action législative. On trouve cet effet dans l’ensemble de la proposition du Collectif, et notamment dans l’article 7, qui vient préciser ce que comprend le niveau de vie décent stipulé à l’article 45 de la Charte des droits et libertés du Québec.

Le présent exposé est limité par la taille du document qui a été voulu concis. Il n’épuise pas les arguments à l’appui et le Collectif est disposé à poursuivre et à partager plus amplement sa réflexion. D’autres documents sont également disponibles sur le site internet du Collectif, lequel est régulièrement mis à jour.

Alors maintenant, faisons-les ces débats, et faisons-la, cette loi. Des milliers de citoyenNEs ont dit “Faisons-le et ça se fera” et ont fait tout ce qui était en leur pouvoir pour mettre un moyen substantiel sur la table. Aux parlementaires et au gouvernement maintenant d’en prendre acte et d’y donner suite.

Québec, le 5 novembre 2000

Notes

Les auteurs sont membres de l’équipe de rédaction de la proposition du Collectif. Pierre Issalys est professeur à l’Université Laval, où il enseigne le droit de l’administration publique, de la sécurité sociale, de la rédaction et de l’interprétation des lois.
“218. En vue de donner effet aux engagements pris à Copenhague, […] il est indispensable de mettre au point des politiques globales, correspondant au caractère multidimensionnel de ce phénomène. À cette fin, il est recommandé d’élaborer des programmes nationaux de lutte contre la pauvreté qui, de l’avis du Rapporteur spécial, devraient revêtir un caractère normatif sous la forme d’une loi-cadre prévoyant des mécanismes d’application. […] 219. Il importe que ces programmes nationaux soient assortis de méthodes d’exécution conçues de telle sorte que les politiques de lutte contre la pauvreté atteignent effectivement ceux qui sont généralement laissés pour compte, du fait de leur exclusion sociale, de leur marginalisation ou de la misère dans laquelle ils vivent. L’une des directives adoptées à Copenhague stipule à cet égard que les pauvres doivent être associés à l’élaboration, l’exécution, au suivi et à l’évaluation des programmes qui les concernent. Par ailleurs, il serait souhaitable que les gouvernements mettent à profit les connaissances et l’expérience des organisations non gouvernementales menant depuis longtemps des activités dans les zones touchées par la misère. […]” Leandro Despouy, La réalisation des droits économiques, sociaux et culturels. Rapport final sur les droits de l’homme et l’extrême pauvreté, présenté par le Rapporteur spécial, M. Leandro Despouy. Nations Unies, Conseil économique et social, Commission des droits de l’homme, Sous-Commission de la lutte contre les mesures discriminatoires et de la protection des minorités, E/CN.4/Sub. 2/1996/13, 28 juin 1996, p. 49-50. Voir aussi la déclaration de Boutros Boutros-Gali en décembre 1995 à l’ouverture de l’Année internationale de l’élimination de la pauvreté, qui affirme, tel que mentionné dans le préambule de la proposition de loi du Collectif que “la progression éthique de l’humanité arrive lorsque les idéaux moraux amènent des obligations légales spécifiques”.