Paris – salle Gaveau – samedi 2 mars 2002
Pendant deux jours de nombreux experts français et étrangers discutent autour du rapport remis à Guy Hascoët secrétaire d’État auprès de la Ministre de l’Emploi et de la Solidarité chargé de l’économie solidaire, par Patrick Viveret, conseiller référendaire à la Cour des Comptes sur le thème ” les nouveaux facteurs de richesse “. Au-delà des débats de spécialistes, c’est un sujet profond et décisif pour notre pays, pour l’Europe et pour toute la planète qui est mis sur la table à cette occasion, au lendemain des rencontres internationales de New-York – Davos et de Porto Alegre. L’idée d’entreprendre autrement a trouvé ainsi une nouvelle légitimité consacrant en delà l’économie sociale et solidaire telle que le gouvernement français s’attache à promouvoir.
Nous mesurons le progrès économique à travers des indicateurs classiques, tels que le produit intérieur brut. Or ces chiffres ne peuvent appréhender toute l’étendue de ce que nos concitoyens peuvent attendre du monde dans lequel nous vivons : il y a le revenu, bien sûr, mais également sa répartition, le taux de chômage, ou de pollution pour ne citer que quelques exemples. L’émergence de nouvelles priorités sociales et environnementales est un élément de plus en plus pris en compte par les institutions internationales (la présence du PNUD à cette conférence en témoigne et je salue les intervenants des Nations-Unies), l’Europe et certains États membres de l’Union européenne.
Quand la richesse n’est pas partagée équitablement, quand pour produire on détruit la nature, quand la productivité et le revenu immédiat se font au détriment du développement durable, quand on ne veut voir que ce qui se vend en oubliant l’éducation, la santé, la sécurité, la préservation du patrimoine naturel et culturel, ces valeurs essentielles aux hommes et aux femmes, quand on privilégie ce que la monnaie peut mesurer et qu’on dédaigne les valeurs humaines et sociales qui ne se chiffrent pas, alors ce n’est pas un monde en progrès que l’on construit.
Les travaux des experts que nous avons lancés ont pour objet d’engager une réflexion qui aboutira à changer notre vision de l’économie, à travers de nouvelles approches et de nouvelles mesures, qui prennent en compte, à côté du marché, tout ce qui ne se vend pas, voire apparaît coûteux, mais bénéficie aux citoyens, à la nation, à l’avenir de l’humanité. À l’échelle du Ministère dont j’ai la charge, je citerais l’aide à domicile et le soutien aux personnes âgées et aux plus défavorisés de notre société qui sont des formes de solidarité que nul ne songe à contester aujourd’hui mais dont l’apport humain dépasse largement ce qui peut être quantifié dans le cadre des instruments de mesure en vigueur. Par ailleurs l’idée d’affiner les indicateurs de pauvreté fait son chemin, notamment à la suite de la publication du dernier rapport de l’Observatoire National de la Pauvreté.
Les meilleurs spécialistes travaillent sur ce thème au sein d’un conseil présidé par Claude Alphandéry et inspiré par Patrick Viveret. Les deux jours de réflexion élargissent leurs réflexions à un nombre bien plus grands d’experts et doivent ouvrir de nouvelles voies. Derrière l’aridité des débats conceptuels, ce sont peut-être les bases d’une économie nouvelle qui se profile. La France, grâce à ces travaux, pourra être créative et porteuse de projets et d’idées nouvelles dans les prochains rendez-vous internationaux sur le développement durable et l’avenir de la planète. Vous pouvez compter sur mon engagement pour porter ces questions dans les instances européennes.
Élisabeth GUIGOU