La question de la lutte à la pauvreté devrait occuper les politicienNEs québécoisE et les groupes sociaux cet automne. En effet, après beaucoup de tergiversations, le gouvernement du Québec s’est décidé à risquer une «consultation» sur la question à défaut de prendre les actions décisives réclamées de toutes parts. Le tout devant mener à l’élaboration d’une stratégie nationale de lutte à la pauvreté pour 2002.
Aucun détail n’est encore disponible quant au format précis de cet exercice. D’après nos renseignements, le ministère de l’Emploi et de la Solidarité sociale s’apprêterait à en dévoiler les modalités à ses employés, après plusieurs changements de cap au cours de l’été. Les informations commenceront donc bientôt à filtrer.
Les sorties médiatiques du début de l’été de la ministre déléguée à la lutte à la pauvreté et à l’exclusion, Nicole Léger, laissent cependant présager que cette consultation ne sera pas des plus ouvertes sur le plan des idées. En effet, dans ses communiqués de presse, le ministère de Mme Léger évite le terme de consultation et parle plutôt d’une « tournée de validation » dans les régions qui invitera les « groupes visés » à « réagir » au document d’orientation lancé en juin par le gouvernement et à « s’en inspirer ». On repassera donc pour un véritable débat.
Des orientations vivement critiquées
Le lancement de ce document d’orientation et les quelques mesures l’accompagnant, le 15 juin dernier, a été l’objet de vives critiques de la part de la société civile québécoise.
Le Collectif s’est notamment insurgé contre le fait que le gouvernement tente de contourner son travail en ne tenant pas compte de la vaste consultation menée pendant deux ans autour de sa proposition de loi. Malgré ses réserves, le Collectif s’est néanmoins dit disposé à participer à l’exercice gouvernemental, mais à sa manière, et avait promis au gouvernement qu’il entendrait « à l’automne de multiples voix sur un même message ».
Pour sa part, le Front d’action populaire en réaménagement urbain s’est montré très critique et considérait que les orientations gouvernementales restaient trop centrées sur la création et l’incitation à l’emploi et la croissance économique. Le FRAPRU entend continuer à se battre pour que la stratégie gouvernementale, qui sera débattue cet automne, soit fondée sur une approche de droits plutôt que sur la division entre pauvres « méritants » et pauvres « non-méritants ».
De son côté, la Centrale des syndicats du Québec (CSQ) a reproché au gouvernement de ne pas véritablement lutter contre la pauvreté et de seulement y répondre. La CSQ considère qu’une lutte efficace contre la pauvreté passe par une loi. Même son de cloche à la Confédération des syndicats nationaux (CSN) qui a « la conviction qu’au terme de cette consultation, le gouvernement devra recentrer son approche et traduire ses engagements sur le plan législatif s’il veut réellement faire de l’élimination de la pauvreté un enjeu de société pour le Québec ».
Un gouvernement habitué à décevoir
Rappelons que le gouvernement québécois est talonné depuis plusieurs années sur la question de la lutte à la pauvreté par de nombreux citoyens et de nombreuses organisations, dont un grand nombre sont en coalition autour de la Marche mondiale des femmes contre la pauvreté et la violence et dans le Collectif.
On s’en souvient, à l’automne 2000, la Marche mondiale des femmes avait mobilisé des dizaines de milliers de Québécoises et de Québécois autour de revendication portant sur la violence faite aux femmes et la pauvreté. Les réponses du gouvernement québécois à ces demandes ont été unanimement jugées insuffisantes, voire insultantes, par les femmes.
De plus, en novembre 2000, le Collectif déposait une pétition de 215 000 signatures à l’Assemblée nationale pour réclamer l’adoption d’une loi pour éliminer la pauvreté basée sur son travail. Une fois encore la réponse du gouvernement a déçu. Ignorant la volonté exprimée dans la pétition, le gouvernement rejetait l’idée d’une loi et se proposait plutôt d’élaborer une simple stratégie (sur laquelle il consultera cet automne).
Ce n’est que récemment, avec l’arrivée de Bernard Landry au poste de premier ministre que le gouvernement s’est engagé à faire de la lutte à la pauvreté une priorité, du moins au niveau du discours.
Pour l’instant, les actions du gouvernement Landry en la matière ont laissé tout le monde sur sa faim. Ainsi, l’année dernière, le gouvernement Landry avait promis un budget inscrivant la lutte à la pauvreté comme priorité, mais force a été de constater que de la parole aux gestes il y avait un pas que le gouvernement provincial s’est avéré incapable de franchir. Les mesures de lutte à la pauvreté du budget 2001-2002 ont été jugées dérisoires autant par la gauche que par la droite (même le président du Conseil du patronat avait estimé, lors du huis-clos du budget, que les mesures annoncées étaient bien peu de choses).
Christian Dubois