Le gouvernement doit étendre le programme de Revenu de base à l’ensemble des personnes assistées sociales
Dans une lettre ouverte publiée ce matin, le Collectif pour un Québec sans pauvreté, 200 professeur.es universitaires et 350 organisations de divers secteurs demandent au gouvernement du Québec d’élargir le nouveau programme de Revenu de base à l’ensemble des personnes assistées sociales. Tel que mentionné dans la lettre, « de cette façon, le gouvernement pourrait mettre fin à la discrimination inhérente au système d’assistance sociale québécois [et] réaffirmer sa reconnaissance du droit à un niveau de vie décent pour l’ensemble de la population du Québec, y compris les personnes assistées sociales ».
Vers un revenu plus décent…
En vigueur depuis le 1er janvier, le programme de Revenu de base est un programme d’assistance sociale réservé aux personnes qui présentent des contraintes sévères à l’emploi de longue durée. Le programme est loin d’être parfait, mais il comporte plusieurs avancées.
Par exemple, il doit en principe assurer aux personnes admissibles un revenu disponible suffisant pour couvrir leurs besoins de base tels que définis par la Mesure du panier de consommation (MPC). Actuellement, la prestation mensuelle de base est de 1 211 $, à laquelle s’ajoute un montant de 337 $ pour les personnes sans conjoint.e, pour un total de 1 548 $ par mois. Cela leur assure un revenu disponible de 20 024 $ par année.
Même s’il reste du chemin à faire pour atteindre le montant de la MPC, estimé à 23 025 $ pour 2022, il s’agit d’une nette amélioration du revenu. Et à cela s’ajoutent d’autres avancées intéressantes comme le versement individualisé des prestations et l’augmentation des revenus de travail et des avoirs liquides qui sont permis sans pénalité financière.
Pour l’ensemble des personnes assistées sociales
Aujourd’hui, le Collectif pour un Québec sans pauvreté et les signataires de la lettre ouverte demandent au gouvernement d’étendre le programme de Revenu de base à l’ensemble des personnes assistées sociales pour qu’elles puissent toutes avoir droit à ses avantages.
« Cette revendication est nécessaire parce qu’il est tout simplement injustifiable que 70 % des personnes assistées sociales n’aient pas accès au programme de Revenu de base et doivent ainsi continuer à vivre avec un revenu nettement insuffisant pour vivre en santé et dans la dignité, souligne la porte-parole du Collectif pour un Québec sans pauvreté, Virginie Larivière. Rappelons que, dans le cas des personnes au programme d’Aide sociale, leurs prestations permettent de couvrir à peine la moitié des besoins de base reconnus avec un revenu disponible annuel de 11 288 $ (49 %).
« Pourquoi tolérer une telle iniquité? Tout le monde devrait avoir droit à un niveau de vie décent au Québec et, même si le Revenu de base ne permet pas encore d’y accéder, il représente un pas dans la bonne direction. »
Citations
Quatre des signataires de la lettre ouverte ainsi qu’une personne touchant le Revenu de base ont participé à la conférence de presse tenue ce matin à Québec pour donner aux journalistes une meilleure idée des travers et des limites des programmes québécois d’assistance sociale et, surtout, de ce que pourrait apporter l’élargissement du programme de Revenu de base à l’ensemble des personnes assistées sociales.
Jean-Yves Desgagnés, professeur en travail social, Université du Québec à Rimouski :
« Élargir le revenu de base, cela permettrait à 220 000 de nos concitoyen.nes de sortir de la lutte pour la survie; de commencer à satisfaire leurs besoins de base (mieux se nourrir, mieux se loger, payer leurs comptes de chauffage, etc.); de développer moins de problèmes de santé; de mettre moins de pression sur les organismes communautaires déjà à bout de souffle et, enfin, d’être libéré.es d’un système d’aide sociale fondée sur des contrôles abusifs et punitifs ayant pour effet de pénaliser toutes initiatives et tout espoir de s’en sortir. Élargir le Revenu de base c’est d’abord de nous libérer collectivement de plusieurs de ces fléaux. Élargir le Revenu de base c’est également de rendre plus payant de travailler, même à temps partiel. De plus, consacrer environ 1,2 milliard $ par année dans une telle mesure, c’est injecter de l’argent directement dans des dollars locaux, car ceux-ci profiteront principalement à des acteurs économiques d’ici : que ce soit les propriétaires de logement, les épiceries, les pharmacies, les commerces de proximité, etc. »
Janie Houle, titulaire de la Chaire de recherche sur la réduction des inégalités sociales de santé :
« C’est la responsabilité du gouvernement québécois d’assurer aux personnes un revenu suffisant pour couvrir minimalement leurs besoins de base. En vertu de la Charte des droits et libertés de la personne du Québec, toute personne dans le besoin a droit, pour elle et sa famille, à des mesures d’assistance financière susceptibles de lui assurer un niveau de vie décent. Or, les montants accordés aux personnes qui reçoivent des prestations d’aide sociale ou de solidarité sociale représentent de 49 % à 69 % de la Mesure du panier de consommation. La Mesure du panier de consommation, c’est vraiment le minimum dont on a besoin pour vivre. En recevant la moitié de ce dont elles ont besoin pour se nourrir, se loger, se vêtir, se transporter, il est impossible pour ces personnes d’avoir un niveau de vie décent. Cette situation contrevient à la Charte des droits et libertés et compromet leurs droits à la sauvegarde de sa dignité, à la sûreté, à la vie et à l’intégrité physique. »
Monique Toutant, résidante de Québec qui bénéfice du programme de Revenu de base :
« J’ai d’abord été surprise, puis contente, car ça faisait longtemps que l’on militait pour cela dans les groupes. La surprise passée, j’ai tout de suite pensé aux autres qui ne l’auront pas, qui continueront à vivre dans la misère. J’aimerais vous parler de ce que cela a changé dans ma vie. D’abord, le revenu de base me permet d’acheter des aliments de meilleure qualité. Je peux maintenant m’offrir une sortie au cinéma ou au restaurant une fois de temps de temps. […] Ça me donne une marge de manœuvre, ça me permet de pallier certains imprévus et de moins m’inquiéter. Par exemple, ça faisait longtemps que je ne m’étais pas acheté des vêtements ou des bottes, parce que je craignais de manquer d’argent. Il fallait que je prévoie plusieurs mois à l’avance. Le revenu de base m’a permis de le faire avec moins de stress. J’aimerais ça, en tant que personne et en tant que milita Add Photo Gallery nte, que tout le monde ait le revenu de base, qu’il n’y ait plus de catégories. Ça serait un geste de solidarité. »
Laurent Lévesque, représentant du Front commun des personnes assistées sociales du Québec :
« Ce qu’on voit au quotidien, c’est la détresse des personnes assistées sociales face au coût de la vie. Ils ou elles se battent pour leur survie devant un ministère qui manque d’humanité avec de multiples règles sur l’ensemble de leur vie. L’aide qu’elles peuvent recevoir se résume à une mince prestation pour la plupart. On sent une frustration chez les gens qui en arrachent à cause des conditions arbitraires qui régissent l’admission aux différents programmes d’aide sociale, la loi ne répond pas à leurs besoins. Dans notre expérience au quotidien, on rencontre plusieurs personnes qui sont incapables de travailler. Le ministère refuse de reconnaître leurs contraintes. Ces personnes dites aptes au travail attendent depuis longtemps d’être admises aux programmes de solidarité sociale. D’autres ont tout simplement abandonné face aux complexités de la demande. Leurs contraintes à l’emploi sont tout simplement ignorées. »
François Soucy, représentant du Regroupement des Auberges du cœur du Québec :
« Une hausse des prestations d’assistance sociale permettrait aux jeunes adultes vivant des difficultés ou en situation d’itinérance de s’engager dans un projet de vie qui correspond à leurs aspirations. L’aide de dernier recours, dans sa forme actuelle, ne permet pas une sortie durable de la pauvreté. Au mieux, elle engage les jeunes dans un mode de survie, ce qui s’ajoute aux obstacles vers la réalisation de leur projet de vie et, de ce fait, à leur pleine participation citoyenne. »
Virginie Larivière, porte-parole du Collectif pour un Québec sans pauvreté (en conclusion) :
« Dans les prochains mois, le Collectif continuera de récolter des appuis et de demander l’élargissement du programme de Revenu de base à l’ensemble des personnes assistées sociales. Il continuera également de réclamer des améliorations à ce programme car, malgré les avancées qu’il comporte, il demeure bien imparfait. Pensons seulement au purgatoire de 66 mois par lequel doivent passer les personnes avant d’y être admissibles, même lorsque leurs contraintes à l’emploi sont déjà reconnues. »
En complément (ci-joint ou en ligne)
- La lettre et la liste des signataires
- La présentation officielle du programme de Revenu de base
- Les montants des différents programmes d’assistance sociale (ci-dessous)
- Les recommandations soumises par le Collectif pour un Québec sans pauvreté au précédent ministre du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité pour bonifier le programme de Revenu de base