26 août 2022 Lettre ouverte

Quel parti se souciera des 310 908 personnes assistées sociales?

Il y a 310 908 personnes assistées sociales au Québec. 310 908 personnes dont le revenu est insuffisant pour couvrir des besoins aussi essentiels que se nourrir, se loger, se vêtir et se déplacer. Or si la tendance se maintient, pour reprendre la célèbre expression, l’enjeu des conditions de vie des personnes assistées sociales sera encore une fois écarté de la campagne électorale qui s’amorce. Comme si cela allait de soi que des milliers de personnes soient contraintes de vivre dans une pauvreté si grande qu’elle compromet leur santé physique et mentale et leur dignité.

(Lettre publiée dans La Presse du 26 août 2022)

Des aides ponctuelles insuffisantes

Les personnes assistées sociales ont été laissées à elles-mêmes pendant la pandémie. À part quelques assouplissements administratifs, devenus nécessaires en raison du confinement, le gouvernement ne leur a accordé aucune aide financière supplémentaire. Comme un malheur ne vient jamais seul, ces mêmes personnes sont frappées de plein fouet par l’inflation depuis plus d’un an. Bien sûr, tout le monde est touché par la montée rapide des prix, mais les conséquences sont beaucoup plus immédiates et graves pour ceux et celles qui, avant même cette envolée des prix, n’avaient pas la possibilité de couper dans leur budget.

Les 500 $ accordés par le gouvernement sortant pour « pallier la hausse du coût de la vie » sont loin d’être suffisants pour venir en aide efficacement aux personnes assistées sociales. Sans compter que celles d’entre elles qui ont une dette envers l’État, ou qui n’ont pas rempli leur déclaration de revenus, n’ont même pas pu voir la couleur de cet argent. En réalité, 500 $, c’est encore en deçà du montant supplémentaire dont les personnes à l’aide sociale auraient besoin, chaque mois, pour seulement être en mesure de subvenir à leurs besoins de base. Plutôt que des mesures ponctuelles, le gouvernement doit mettre en place des mesures structurantes.

D’abord freiner l’appauvrissement

Une mesure efficace et durable serait de hausser les protections publiques à la hauteur de la Mesure du panier de consommation (MPC), qui correspond au coût d’un ensemble de biens et services considérés comme de base. Le Collectif pour un Québec sans pauvreté porte cette revendication depuis plusieurs années. La couverture des besoins de base devrait être considérée comme un minimum non négociable.

Depuis peu, le Collectif porte également une autre revendication, qui vise spécifiquement à limiter l’appauvrissement qu’entraîne l’inflation galopante : l’indexation sur une base trimestrielle des prestations d’assistance sociale. À l’heure actuelle, les prestations sont indexées une seule fois par année, le 1er janvier.

L’idée n’est pas neuve. Québec a indexé l’assistance sociale tous les trois mois de 1982 à 1985 et c’est ce que fait Ottawa pour la pension de la Sécurité de la vieillesse et le Supplément de revenu garanti.

Une indexation trimestrielle permettrait de maintenir plus adéquatement le pouvoir d’achat des personnes assistées sociales puisque leurs prestations suivraient de plus près les variations de prix. Si les prestations avaient été indexées sur une base trimestrielle à compter d’avril 2021, début de la poussée inflationniste, une personne seule à l’aide sociale toucherait aujourd’hui 40 $ de plus par mois (soit 766 $ au lieu de 726 $) et une personne seule à la Solidarité sociale 62 $ de plus par mois (soit 1 200 $ au lieu de 1 138 $).

Respecter la dignité des personnes

En décembre prochain, il y aura vingt ans que le Québec a adopté la Loi visant à lutter contre la pauvreté et l’exclusion sociale, dans laquelle la lutte contre la pauvreté est définie comme un « impératif national » et dans laquelle le gouvernement s’engage à respecter et protéger « la dignité des personnes en situation de pauvreté ». Deux décennies plus tard, force est de constater que le gouvernement bafoue l’esprit de cette loi avec ses prestations d’assistance sociale qui sont si basses qu’elles condamnent les gens à une vie de privations.

Le prochain gouvernement saura-t-il enfin respecter et protéger la dignité des personnes assistées sociales ? Un premier pas en ce sens consisterait à procéder à l’indexation trimestrielle des prestations dès les premiers mois de son entrée au pouvoir. Un deuxième serait de rehausser, dans les meilleurs délais, les protections publiques pour garantir à tous et toutes un revenu au moins égal à la MPC.

Bonne nouvelle : le troisième Plan d’action gouvernemental en matière de lutte à la pauvreté arrive justement à échéance en 2023 et il faut déjà commencer à penser au quatrième. Souhaitons que chacun des partis politiques prenne le temps pendant la campagne électorale de faire connaître à la population les mesures qu’il compte y faire figurer.

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