16 novembre 2017 Lettre ouverte

Rapport du comité d’experts sur le RMG: Un dangereux réalignement des politiques de solidarité sociale

Le comité d’experts chargé d’étudier la faisabilité d’un revenu minimum garanti (RMG) au Québec a déposé lundi un volumineux rapport qui recommande de renoncer à l’idée d’un RMG. En 23 recommandations, il propose plutôt d’améliorer le système de soutien du revenu déjà existant.

Dans cet esprit, le comité d’experts identifie des « principes à respecter, soit l’équité, l’incitation au travail et l’efficience ». Exit donc la lutte contre la pauvreté, la solidarité sociale et les droits humains, ces vieux principes éculés qui déplaisent tant au gouvernement.

Et pourquoi s’arrêter en si bon chemin? Après avoir redéfini les principes de la solidarité sociale, le comité recommande d’admettre une fois pour toutes qu’il est acceptable, au Québec, de laisser des personnes couvrir à peine un peu plus que la moitié des besoins de base reconnus.

Pour nous faire avaler cette couleuvre, le comité d’experts détourne le sens de la Mesure du panier de consommation (MPC) en stipulant que celle-ci représente un seuil de pauvreté. Partant de là, le comité propose d’établir un nouveau « seuil de référence » en deçà duquel le soutien du revenu ne devrait pas descendre. Ce seuil correspondrait à 55 % de la MPC, donc de ce qu’il faut pour couvrir les besoins de base reconnus.

N’en déplaise aux experts, les indicateurs sont accompagnés de sens et de définitions. La MPC n’est pas, comme ils le prétendent, un seuil de pauvreté. La MPC est, depuis 2009, LE point de repère au Québec pour déterminer le revenu nécessaire à la couverture des besoins de base reconnus (se loger, se nourrir, se vêtir et se déplacer).

Ne pas couvrir ces besoins de base, ça signifie être en état de survie. Ça veut dire sacrifier santé, dignité et espérance de vie. Et le comité d’experts recommande ni plus ni moins que de laisser dans cet état les personnes assistées sociales dites aptes au travail, prétextant ne pas vouloir miner l’incitation au travail.

Justement, depuis plus de deux ans, le ministre François Blais fait de l’incitation au travail un principe phare avec le programme Objectif emploi. Ce programme d’employabilité sera bientôt obligatoire pour toute personne faisant une première demande d’aide sociale. Si une personne refuse de suivre le programme, le Ministère est prêt à couper jusqu’à 224 $ sur sa prestation. Ce qui voudrait dire qu’une personne pourrait se retrouver avec 37 % de la couverture des besoins de base reconnus!

Malheureusement, le programme Objectif emploi, dont le règlement a été publié deux jours après le dépôt du rapport d’experts sur le RMG, n’était peut-être que la pointe de l’iceberg! Le rapport du trio d’experts semble être une invitation au gouvernement à poursuivre son dangereux réalignement des politiques de solidarité sociale.

Virginie Larivière, porte-parole du Collectif pour un Québec sans pauvreté