16 juin 2021 Lettre ouverte

Votre bilan est bien partiel, Monsieur Boulet!

Réaction à l’article intitulé «Jean Boulet dresse le bilan de la dernière année: “Je suis très satisfait du travail accompli” », paru dans Le Nouvelliste du 12 juin 2021.

Monsieur Boulet,

Comme ministre du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité sociale, vous vous dites «très satisfait» du travail que vous avez accompli pendant la pandémie. Une telle affirmation a de quoi surprendre quiconque a suivi de près vos annonces et vos actions des quinze derniers mois.

La pandémie a eu comme effet de révéler la détérioration du filet social de l’État québécois. La crise sanitaire aurait pu vous servir de sonnette d’alarme et vous inciter à améliorer durablement les conditions de vie des personnes en situation de pauvreté. Or, vous vous êtes contenté de mesures ponctuelles et temporaires, sans grande portée ni vision d’avenir.

Les plus pauvres

Tout au long de la pandémie, vous avez refusé d’accorder un soutien financier d’urgence aux personnes assistées sociales, malgré la pression de plusieurs organismes communautaires et des trois partis de l’opposition. Vous vous êtes plutôt tourné vers des «mesures d’assouplissement» d’ordre administratif.

Les personnes assistées sociales forment l’un des seuls groupes de la société à ne pas avoir reçu une aide financière supplémentaire durant la crise. Et pourtant, elles ont été touchées aussi durement, et même plus durement, que les autres, elles qui n’ont pas la chance de posséder un coussin financier. Au cœur de la crise, confinées chez elles, plusieurs personnes assistées sociales ont perdu leur réseau habituel d’entraide (banque alimentaire, organisme communautaire) ainsi que l’occasion de trouver un emploi.

Votre entêtement à refuser en temps de crise une aide d’urgence aux personnes assistées sociales donne une idée du peu d’égard que votre gouvernement et vous-même montrez pour ces personnes dont le revenu est insuffisant pour couvrir les besoins de base.

Charité

Vous n’êtes pas sans savoir également que depuis le début de la pandémie, les demandes d’aide alimentaire ont augmenté de 30 % à 40 %, selon les régions du Québec. Avant la pandémie, les banques alimentaires aidaient déjà 500 000 personnes par mois. Parmi elles, 13,5 % avaient des revenus d’emploi.

Votre gouvernement a choisi de verser une aide financière aux banques alimentaires pour nourrir plusieurs centaines de milliers de personnes. Le recours à des organismes de bienfaisance est le symptôme de l’échec du filet social québécois. «L’État n’a pas à se préoccuper d’être charitable ; il a cependant le devoir d’être juste. C’est pourquoi il importe qu’il reconnaisse clairement le droit du citoyen à l’assistance lorsque celui-ci est dans le besoin», disait déjà en 1963 le rapport Boucher, dans lequel se trouvent les fondements de notre système d’assistance sociale.

Les travailleurs et travailleuses à faible revenu

Autre omission volontaire de votre bilan des derniers mois : l’insuffisance du salaire accordé aux travailleurs et travailleuses à faible revenu. Au Québec, en 2020, 212 300 personnes étaient rémunérées au salaire minimum, soit 6 % des travailleurs et travailleuses. Avec l’instauration de la Prestation canadienne d’urgence (PCU), vous n’avez eu d’autre choix que d’allouer une aide temporaire à ces personnes, sous forme de primes salariales, pour les maintenir sur le marché du travail. Ce qui en dit long sur l’attractivité de pareil salaire !

Malgré tout, au lieu de donner un coup de barre, vous n’avez augmenté le salaire minimum que de 0,40 $ l’heure le 1er mai dernier, ce qui ne permet toujours pas aux personnes qui travaillent à temps plein au salaire minimum de sortir de la pauvreté.

Nous sommes nombreux et nombreuses à espérer que votre gouvernement rebondisse et resserre les mailles du filet social québécois. En tant que ministre responsable de la lutte contre la pauvreté, la première tâche à laquelle vous devriez vous astreindre est de fournir des protections publiques qui permettent à tous et toutes de vivre en santé et dans la dignité. La pandémie en a montré non seulement la possibilité, mais aussi la nécessité.

Virginie Larivière, porte-parole du Collectif pour un Québec sans pauvreté