Projet de loi 57 réformant l’aide sociale

Le Collectif exige le retrait du projet de loi 57 et propose des solutions pour améliorer le régime d’aide sociale

Québec, le 5 octobre 2004 - Le Collectif pour un Québec sans pauvreté dénonce comme une hypocrisie le Projet de loi 57 - Loi sur l'aide aux personnes et aux familles dont l'étude commence aujourd'hui en commission parlementaire. Ce projet de loi trompe la population, dans la mesure où il prétend donner suite à la Loi visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale, votée à l'unanimité par l'Assemblée nationale en 2002. En réalité, il retournerait le Québec quarante ans en arrière à l'époque de l'arbitraire et des régimes particuliers que la première loi sur l'aide sociale, fondée sur des droits, était venue remplacer en 1969.

Le Collectif demande au Ministre de l'Emploi, de la Solidarité sociale et de la Famille, Claude Béchard, et à son gouvernement, devant la commission parlementaire, le retrait du projet de loi. Il réclame son remplacement par un régime de sécurité du revenu conforme à la Loi visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale. Comme l'exige cette loi, ce régime devra garantir, dans le respect de la dignité des personnes, la couverture de leurs besoins essentiels.

«Ce n'est pas un projet pour avancer vers un Québec sans pauvreté dans le sens de la loi votée en 2002, affirme Vivian Labrie, porte-parole du Collectif. Le projet de loi 57 attaque les bases mêmes du régime d'aide sociale pour le soumettre à la vision conservatrice et ultra-capitaliste du présent gouvernement.»

Une réforme qui enfreint la loi et le simple bon sens

Le Collectif s'indigne que le gouvernement puisse imaginer réduire davantage des prestations mensuelles de 533 $ déjà totalement insuffisantes et constamment dévaluées depuis vingt ans. C'est pourtant l'impact général des annonces qui s'accumulent depuis le printemps.

  • Le plan d'action dévoilé en avril par le gouvernement poursuit la dévaluation des prestations pour les deux-tiers des personnes à l'aide sociale, en programmant de leur appliquer à partir de janvier 2005 un taux d'indexation réduit de moitié.
  • Le projet de loi 57, déposé en juin pour remplacer la loi actuelle sur l'aide sociale, enfreint en plusieurs points la Loi visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale qu'il devrait normalement appliquer. À l'exception d'un seul article, à retenir, qui abolit les pénalités pour refus de mesure ou d'emploi, loin d'améliorer les revenus et les conditions de vie tel que requis, le projet de loi a pour effet soit de confirmer un statu quo inacceptable, soit d'empirer le régime d'aide sociale. Il ignore la nécessité, pourtant vitale, de couvrir les besoins essentiels des personnes et des familles. Piégé dans des préjugés graves, il consolide les discriminations entre personnes dites aptes ou inaptes au travail. Il échoue même à opérer les changements spécifiques qui lui sont imposés sur l'instauration d'une prestation minimale protégée de toute réduction, sur l'amélioration des biens et avoirs liquides permis et sur l'exemption de la pension alimentaire du calcul de la prestation. Il diminue plutôt les garanties et protections spécifiées dans la loi, augmente les pouvoirs arbitraires du ministre et ouvre même la porte à des formes de sécurité du revenu privée.
  • Les modifications au règlement de la loi actuelle annoncées le 22 septembre aggraveraient la situation en coupant 100 $ sur des prestations de 533 $ pour partage de logement familial - ceci alors que la loi sur la pauvreté abolit la coupure pour partage de logement - , en privant des milliers de ménages d'une allocation logement mensuelle allant jusqu'à 80 $ pendant l'année de leur inscription à l'aide sociale, en éliminant une allocation mensuelle pour frais d'emploi allant jusqu'à 25 $, en réduisant l'accès à l'aide pour des milliers de personnes.
  • Devant ces modifications déjà odieuses, on ne peut que craindre le pire à propos du règlement qui viendrait compléter le projet de loi 57 et qui n'a pas été déposé à l'Assemblée nationale.

Le gouvernement fait également fi des examens d'impact sur les revenus des personnes en situation de pauvreté qui lui sont imposés par l'article 20 de la Loi visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale. Le Collectif exige leur production.

Une solution pour sortir de l'impasse
Pour sortir de l'impasse générée par le projet de loi 57, le Collectif présente une proposition en trois points.
1. Le retrait du projet de loi 57 et du projet de modification au règlement de la loi actuelle.

2. Des amendements à la loi actuelle de l'aide sociale sur une base de droits pour la conformer à la Loi visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale et pour assurer qu'elle couvre les besoins essentiels dans la dignité. Tout en maintenant les acquis inscrits dans la loi actuelle, incluant ceux des personnes de 55 ans et plus, renvoyés au règlement dans le projet de loi 57, les amendements suivants doivent notamment être apportés.

  • L'indexation annuelle complète de toutes les prestations.
  • En application de l'article 15 de la Loi visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale :
  • L'instauration d'une prestation minimale couvrant les besoins essentiels et protégée de toute coupure ou saisie (barème plancher) y compris pour les loyers. Ceci inclut la disposition prévue à l'article 49 du projet de loi 57 qui abolit les pénalités pour refus de mesure ou d'emploi.
  • La possibilité pour l'ensemble des prestataires de garder leur maison et leur voiture et d'avoir accès à un coussin d'épargne plus élevé qu'en ce moment.
  • L'exclusion totale de la pension alimentaire reçue pour un enfant du revenu considéré pour le calcul de la prestation.
  • La reconnaissance du droit à des mesures d'insertion et d'aide à l'emploi, incluant le droit de recours.
  • L'élargissement de la notion de gain permis afin de permettre de cumuler des revenus de soutien autres que des revenus de travail (revenus de la Régie des rentes, de la CSST, de l'IVAC, etc.)

3. L'ouverture d'un débat public, mettant à profit l'expertise citoyenne, y compris celle des personnes en situation de pauvreté, en vue d'imaginer et d'élaborer le régime de garantie du revenu qui devrait remplacer le régime actuel d'aide sociale pour faire un vrai saut qualitatif en direction d'un Québec sans pauvreté.

Quant au programme APPORT, complètement échappé dans le projet de loi 57, le Collectif insiste pour la publication immédiate du cadre législatif qui le remplacera par la mesure Prime au travail, avec le maintien des garanties existantes au plan des services de garde.

Le Collectif demande aux parlementaires du Québec de ne pas permettre qu'avec ce projet de loi, on porte atteinte à la justice la plus élémentaire. Il fait appel à eux et elles pour imposer au gouvernement le respect de la Loi visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale. Il demande à la population et aux diverses organisations de la société québécoise de soutenir sa position sur l'aide sociale et de le faire savoir vigoureusement aux parlementaires et au gouvernement.

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Créé le5 octobre 2004
Dernière modification19 août 2015

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