Le Collectif relance la campagne du carré rouge lors de la participation à la consultation prébudgétaire

La première dette, c’est le déficit humain

QUÉBEC, le 2 février 2006 – «Remboursez d’abord les millions dûs au bas de l’échelle.» C’est ce que le Collectif pour un Québec sans pauvreté a réclamé aujourd’hui du Ministre des Finances, Michel Audet, qui consultait sur la dette. Le Collectif prétend que la première dette à rembourser est le grave déficit humain dans lequel le gouvernement a peu à peu mis les personnes les plus pauvres du Québec depuis vingt ans en grugeant dans les protections sociales de base. Il demande au ministre de démontrer dès le budget 2006-2007 comment il entend rejoindre d’ici 2013 les rangs des pays industrialisés où il y a le moins de personnes pauvres, comme l’y oblige la Loi visant à lutter contre la pauvreté et l’exclusion sociale.

Le Collectif accuse le ministre des Finances de taire dans sa documentation prébudgétaire le tort fait aux personnes à l’aide sociale, avec ou sans emploi, en diminuant leur pouvoir d’achat de 145 M$ en 2005 et 2006 alors que pendant la même période il a allégé de plusieurs centaines de millions les obligations fiscales des particuliers plus riches.

Deux exemples sont particulièrement odieux. ‹

  • Alors qu’il a dépensé 180 M$ en 2005 et 390 M$ en 2006 pour indexer au coût de la vie le régime d’imposition des particuliers et qu’il dépensera 15 M$ en 2006 pour hausser de mille dollars le plafond de cotisation à un RÉER, le gouvernement a diminué de 57 M$ en deux ans le pouvoir d’achat des prestataires sans contraintes sévères à l’emploi, en n’indexant leurs prestations qu’à la moitié du taux utilisé dans les autres cas. En passant de 533 $, en 2004, à 543 $, en 2006, la prestation mensuelle de base, déjà très loin de couvrir les besoins essentiels, se trouvera à valoir 128 $ de moins par année en dollars de 2006, avec d’importantes conséquences pour les personnes et leur entourage. ‹
  • Alors qu’il a éliminé en janvier 2005 une déduction de 6 % de leurs gains de travail pour les travailleurs et travailleuses à très faible revenu d’emploi qui ont aussi droit à l’aide sociale, épargnant ainsi quelques millions par année, le gouvernement dépensera sans problème 300 M$ en 2006 pour introduire cette même déduction dans le régime fiscal. Elle ne profitera qu’aux travailleurs et travailleuses en mesure de payer de l’impôt et sera maximale au-delà de 50 000 $ de revenus.

Ceci a pour conséquence que les contribuables avec 5 000 $ et moins de revenus de travail perdront en 2006 jusqu’à 246 $ en pouvoir d’achat en raison des rebuffades à l’aide sociale alors que le régime fiscal aura plus ou moins maintenu ou avantagé les contribuables se situant plus haut dans l’échelle des revenus.

Le vrai problème : la concentration de la richesse et la croissance des inégalités

«Il est absurde de parler de payer la dette publique avant de régler les problèmes de déficit humain, de déficit de solidarité et de croissance des inégalités, a expliqué Vivian Labrie, porte-parole du Collectif. Sinon, l’argument du paiement de la dette devient une nouvelle méthode de taxage de la part des plus riches, qui continuent de tirer leurs marrons du feu pendant que l’attention est centrée sur une question mal posée. Le discours sur les finances publiques actuel a pour effet d’encourager la production de la pauvreté et des inégalités tout en concentrant la richesse vers les plus riches. »

Le Collectif a démontré, chiffres à l’appui, qu’entre 1997 et 2002, le cinquième le plus riche des familles québécoises a amélioré son revenu moyen net, passé de 72 255 $ à 95 835 $, de plus de 23 000 $, soit plus que le revenu moyen net des familles du cinquième le plus pauvre, qui ne dépassait pas 19 000 $ en 2002. Pire, au cours des dernières années, les gouvernements canadien et québécois ont contribué, à même les finances publiques, à cette concentration de la richesse vers les plus riches. Les familles du cinquième le plus riche se retrouvent en 2006 avec l’équivalent annuel net d’une prestation d’aide sociale de plus qu’en 2000 par l’effet cumulé des baisses d’impôt fédérales et provinciales.

À l’autre bout du spectre, «alors que la Loi visant à lutter contre la pauvreté et l’exclusion sociale lui impose d’améliorer les conditions de vie de l’ensemble des personnes en situation de pauvreté, a précisé Éric Bondo, du Front commun des personnes assistées sociales du Québec, on peut constater que le gouvernement se sert du plan d’action gouvernemental qui est supposé appliquer cette loi comme d’un paravent pour marquer encore une fois des reculs à l’aide sociale.»

«Quels sont les principes qui devraient guider l'action budgétaire du gouvernement à court, moyen et long terme, compte tenu de la conjoncture mondiale et québécoise? Voilà la question que le ministre aurait dû poser aujourd’hui, a précisé Vivian Labrie. Et nous aurions répondu au ministre qu’il aurait intérêt à élargir sa conception de la richesse pour intégrer la notion d’un Québec riche de tout son monde, où il n’y a pas deux sortes d’humains. Ce n’est pas tant par l’argent que par leur qualité d’humanité que les sociétés survivront aux obstacles qui se cumulent devant elles pour les prochaines décennies.»

Parmi les priorités pour le prochain budget 2006-2007, le Collectif insiste notamment sur les suivantes : la pleine indexation garantie, rétroactive à 2005, de l’ensemble des prestations d’aide sociale, accompagnée d’un plan d’amélioration de celles-ci pour assurer que la prestation de base couvre les besoins essentiels; l’abrogation, avec compensation aux prestataires affectéEs, des modifications répressives au règlement de l’aide sociale de janvier 2005; le rétablissement de la gratuité des médicaments à l’aide sociale, à étendre en même temps à l’ensemble des personnes ayant 12 000 $ et moins de revenus; l’exclusion, à l’aide sociale comme à l’impôt, de la pension alimentaire dans le calcul du revenu; la diminution de l’endettement étudiant; la responsabilisation des employeurs à payer un salaire décent à leurs employéEs; l’amélioration de l’aide à l’emploi.

Marquer l’objection citoyenne : une troisième vie à la campagne du carré rouge

Devant les manquements accablants qu’il constate, le Collectif a saisi l’occasion pour relancer, sous la forme d’une épinglette qui sera diffusée largement, une troisième vie à la campagne du carré rouge. Mise au jeu par le Collectif à l’automne 2004 pour marquer l’objection citoyenne aux reculs à l’aide sociale qui mettaient «dans le rouge» les personnes en situation de pauvreté, la campagne a été reprise à l’hiver 2005 par le mouvement étudiant à propos des reculs à l’aide financière aux études.

L’épinglette lancée aujourd’hui est formée d’un carré rouge surmonté de trois feuilles vertes. Le carré rouge manifeste l’objection aux reculs et aux déficits humains causés aux plus pauvres dans les derniers mois par des choix fiscaux et sociaux irresponsables. La feuille verte exige qu’au nom de l’égalité en droits, le gouvernement du Québec répare ces manquements et mette le cap vers l’obligation permanente que lui fait la Loi visant à lutter contre la pauvreté et l’exclusion sociale de «tendre vers un Québec sans pauvreté» d’améliorer, sans discrimination, les conditions de vie de l’ensemble des personnes en situation de pauvreté et de réduire les inégalités.

L’épinglette sera disponible dans les prochaines semaines auprès du Collectif et de ses membres. Le mémoire prébudgétaire du Collectif est disponible sur son site Internet au www.pauvrete.qc.ca.

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Vous pouvez également consulter:
[ le mémoire du Collectif, en cliquant ici ->https://www.pauvrete.qc.ca/article.php3?id_article=338]

[ l'analyse du budget 2005, en cliquant ici ->https://www.pauvrete.qc.ca/article.php3?id_article=294]


Créé le2 février 2006
Dernière modification19 août 2015

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