16 mai 2020 Témoignage

Sur l’aide sociale en temps de crise

Je suis sur l’aide sociale. Jusqu’à aujourd’hui, je tenais bon. Mais jai frappé un mur avec la crise actuelle et tout semble sécrouler autour de moi. Je vous écris car jai un trop-plein démotions. 

Les gens sont si méchants envers nous, les personnes à l’aide sociale, car ils sont remplis de préjugés, de rage. Ma propre famille me fait la morale« Arrête de te plaindre, tas quà retourner travailler… » Et le manque dempathie de la part du gouvernement envers nous me brise le cœur plus que jamais. 

Comment je me suis retrouvée à l’aide sociale 

Jétais comme les gens « normaux » avant. Travaillante et contente de contribuer à la société. Cependant, un soir tout a changé, jai été victime dun hold-up au dépanneur où je travaillais et depuis ma vie a basculé. 

Jai essayé de minimiser la chose, jai trop attendu pour aller chercher de laide et on ma refusée à l’IVAC. (Ça, cest une autre histoire…) Depuis, jai des problèmes danxiété, symptômes post-traumatiques, et depuis peu je suis diagnostiquée bipolaire. 

Malgré tout, jai continué à travailler en portant ce « lourd bagage » sur mes épaules. Jai eu un emploi pendant 5 ans, mais à la « crise de 2008 », jai été licenciée. Jai eu la chance de pouvoir travailler à dautres endroits superbes, mais à chaque fois, après un certain temps, je me retrouvais épuisée de devoir jongler avec mes symptômes et la vie quotidienne, et malgré moi, je me retrouvais encore au point A, sans emploi. 

Aujourd’hui, je travaille pour mon avenir à moi. Je fais des thérapies, des ateliers, tout ce quil faut pour revenir à un semblant de « normale ». Mais aux yeux de tous, ce nest pas assez, ce nest pas un vrai « travail ». 

Et comment je vis la crise 

Je suis donc sur l’aide sociale, jai 34 ans, je vis seule et jai un gros budget de 125$ par mois de « lousse », pour me nourrir. 

Normalement jai de laide. Jai un ami pour maider à courir les spéciaux une fois par mois. Je me débrouille assez bien. Ça me prend deux jours à faire ma liste dépicerie, faire des choix et tout calculer jusquà la dernière cenne. Je ne vais pas dans les banques alimentaires car je tiens à laisser ma place aux familles avec des enfants. 

Maintenantmon ami ne peut plus m’aider à cause des mesures de confinement. Je dois payer un taxi (20$ cest beaucoup pour moi, cest un poulet et du papier de toilette). En plus de ne plus avoir accès aux spéciaux, je dois faire des pirouettes car les produits sur ma liste ne sont pas disponibles… 

Je dois affronter les foules seule, donc crises de panique à répétition, en plein milieu du supermarché. Je suis à « boutte » comme on dit.  

Je nai pas pu payer mon permis de conduire, jattends une réponse pour voir si je suis acceptée pour les payements mensuels.  

Au mois de septembre, je dois payer 300$ pour être assurée (assurances habitation et civile), car je ne suis pas admissible aux payements mensuels. Javais mis de largent de côté, mais avec cette crise, bye bye lassurance… et très certainement mon appartement car une clause de mon bail exige une assurance habitation et civile. 

Ça en fait beaucoup à avaler en même temps.  

Je pourrais écrire pendant des heures. Jai limpression de trop me « plaindre », alors jarrête ici. 

Un soutien maiderait à ne pas régresser dans ma démarche que jappelle « retour à la normale »Je prie pour que le gouvernement nous aide… même un peu.  

Roxanne, Salaberry-de-Valleyfield


 

Ce témoignage a été envoyé aux 125 parlementaires de l’Assemblée nationale le 14 mai avec le message suivant:

Le 7 avril dernier, le Parti libéral du Québec, Québec solidaire et le Parti Québécois se joignaient au Collectif pour un Québec sans pauvreté pour réclamer une aide d’urgence pour les personnes assistées sociales et toutes les autres personnes à faible revenu qui n’ont pas accès aux programmes d’aide récemment mis sur pied par les gouvernements québécois et canadien.

Malheureusement, le gouvernement du Québec persiste à ignorer toutes ces personnes. À cause de cet entêtement, des gens ont faim au Québec présentement, des gens vivent un intenable stress financier, des gens souffrent.

Nous recevons de nombreux messages qui en témoignent, et probablement que vous en recevez aussi plusieurs. Aujourd’hui, nous vous soumettons un témoignage particulièrement éloquent. Merci de prendre quelques minutes pour le lire.

Et merci de tout mettre en œuvre pour que le gouvernement assume enfin ses responsabilités et vienne en aide à toutes les personnes qui, comme Roxanne, ont été ignorées jusqu’à maintenant même si elles sont durement affectées par la crise.

Virginie Larivière et Serge Petitclerc, porte-parole du Collectif pour un Québec sans pauvreté

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